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Lula da Silva, président du Brésil de 2003 à 2011.

Dilma Roussef, présidente du Brésil de 2011 au 12 mai 2016.

Michel Temer, président du Brésil depuis le 12 mai 2016

Brésil, un nouveau cap !

Arrivée au pouvoir d’une équipe néolibérale non élue.

13/05/2016

 

 

Les sénateurs brésiliens ont voté en faveur de la suspension de la présidente Dilma Rousseff pour 180 jours.

 

Pourquoi ? Pour quel avenir politique ?

 

Source : The Intercept

 

Contextualisation:

 

En 2002, au Brésil, le Parti des travailleurs (PT), classé au centre-gauche, s’est emparé de la présidence avec la victoire écrasante de Lula da Silva sur le candidat du PSDB, parti de centre-droit (toute l’année 2002, la perspective de la victoire du PT avait bien sûr indigné les “marchés”). Le PT resta au pouvoir après la réélection de Lula en 2006 devant un nouveau candidat du PSDB. Les ennemis du PT pensèrent qu’ils auraient enfin une chance de se débarrasser de ce parti en 2010, lorsque Lula, atteint par la limite du nombre de mandats, fut interdit de se représenter. Leurs espoirs furent anéantis lorsque le successeur de Lula, l’inconnue Dilma Rousseff, battit avec douze points d’avance le candidat du PSDB, celui-là même qui avait déjà perdu contre Lula en 2002. En 2014, les ennemis de PT dépensèrent d’énormes quantités d’argent et d’énergie pour faire échec à celle dont ils pensaient qu’elle était vulnérable et qu’elle ne résisterait pas au tout nouveau candidat du PSDB. Mais ils perdirent de nouveau, de justesse cette fois-ci : Dilma fut réélue avec 54 millions de voix.

 

En bref, le PT avait remporté à la régulière quatre élections nationales — la dernière il y a seulement 18 mois. Ses adversaires ont vigoureusement essayé — et échoué — à le vaincre par les urnes, en grande partie parce que le PT a le soutien parmi des classes pauvres et des travailleurs brésiliens.

 

 

 

 

Explication de la destitution de Dilma et mise en évidence du scandale:

 

Il n’est pas question ici de prendre la défense du PT. Ce parti — comme Lula l’a reconnu lui-même dans une interview que j’ai faite de lui — est gravement touché par la corruption. Dilma, à bien des égards, est une présidente qui a échoué. Elle est très impopulaire.Son gouvernement a trop souvent défendu les intérêts de l’élite du pays au détriment de sa base populaire. Le pays souffre économiquement et dans presque tous les autres domaines.

Mais la solution à cela est de les vaincre par les urnes, pas simplement en les destituant et en les remplaçant par quelqu’un de plus favorable au clan des plus riches.

 

Son successeur sera le vice-président Michel Temer du parti PMDB. Donc, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays à régime présidentiel, la mise en accusation de la présidente en titre permettra d’habiliter une personne d’un parti d’opposition. Dans ce cas particulier, la personne qui doit être installée croule sous les affaires de corruption : accusé par des informateurs pour sa participation à un programme d’achat illégal d’éthanol, il a été jugé coupable, condamné à une amende pour violations des dépenses électorales, soumis à une interdiction de tout emploi public pour une période de huit ans. Il est très impopulaire : seul 2% des Brésiliens le souhaite comme président et près de 60% voudrait qu’il en soit empêché (le même pourcentage qui favorise la mise en accusation de Dilma). Mais il servira fidèlement les intérêts des Brésiliens les plus riches : il envisage de nommer des cadres de Goldman-Sachs et du FMI pour gérer l’économie et d’installer une équipe néo-libérale totalement non représentative (issue en grande partie du même parti — PSDB — qui a perdu quatre élections face au PT).

 

Quels que soient les dommages causés par le PT au Brésil, les ploutocrates, leurs journalistes-propagandistes et la bande de voleurs en train d’ourdir cette parodie à Brasilia sont beaucoup plus dangereux. Ils sont littéralement en train de démanteler — par broyage — la démocratie dans le cinquième plus grand pays du monde.

 

 

 

 

 

 

The Economist a même prévenu il y a deux semaines que « ceux qui travaillent pour son élimination [de Dilma, ndlr] sont à bien des égards pire qu’elle. » Avant de comploter pour prendre le pouvoir, Temer lui-même déclarait l’an passé : « la mise en accusation est impensable, elle créerait une crise institutionnelle. aucune base juridique ou politique n’existe pour cela. »

 

 

 

 

L'excuse de la corruption:

 

La plus grande escroquerie dans toute cette histoire est que les élites des médias brésiliens justifient tout cela au nom de la « corruption » et « la démocratie ».

 

 

 

 

 

Et quand les factions qui vont prendre les rênes du pays sont corrompus au-delà de ce qui est imaginable ? Et s’ils étaient vraiment préoccupés par la « démocratie », pourquoi ne pas s’attaquer également à Temer et organiser de nouvelles élections pour laisser les électeurs décider du successeur de Dilma ? La réponse est évidente : de nouvelles élections seraient presque certainement une victoire pour Lula ou d’autres candidats qu’ils n’aiment pas. Ce qu’ils craignent le plus est de laisser la population brésilienne décider qui les gouvernent. Telle est la définition même de la destruction de la démocratie.

 

 

 

 

Positionnement des médias:

 

Au-delà de son importance mondiale évidente, la raison pour laquelle j’ai passé tant de temps et d’énergie à écrire sur ces événements est parce qu’il est étonnant — et troublant — de constater qu’une telle chose puisse se dérouler, et plus particulièrement de se rendre compte comment les médias dominants du pays, appartenant à une petite poignée de familles riches, ne permettent absolument pas la pluralité des opinions. Au lieu de cela, comme Reporters sans frontières le signifia plus tôt dans ce mois: « D’une manière à peine voilée, les principaux médias nationaux ont exhorté le public à contribuer à faire chuter la présidente Dilma Rousseff. Les journalistes travaillant pour ces groupes de médias sont clairement soumis à l’influence d’intérêts privés et partisans, et ces conflits permanents d’intérêts sont évidemment très préjudiciable à la qualité de leurs articles. »

 

 

 

Fin de la stabilité et du progrès en Amérique Latine:

 

Pour quelqu’un comme moi qui vit au Brésil depuis onze ans, c’était une source d’inspiration vivifiante de voir un pays de 200 millions d’habitants se libérer du joug d’une aile droite au pouvoir depuis vingt et un ans (avec le soutien des USA et de la Grande-Bretagne), parvenir à remplacer une dictature militaire et sénile par une jeune et dynamique démocratie. Mais triste et effrayant de constater combien tout ceci peut être inversé facilement et rapidement — totalement aboli à l’exception d’un nom vidé de son sens : démocratie. C’est aussi une leçon importante pour tous ceux qui, dans les pays du monde entier, s’imaginent allègrement que les choses continueront comme elles sont et que la stabilité et le progrès leur sont garantis à jamais.

Même The Economist — qui est hostile à tous parti un tant soit peu de gauche, qui déteste le PT et appelle à la démission de Dilma — a dénoncé la mise en accusation comme « un prétexte pour évincer un président impopulaire ».

Comment quelqu’un d’un peu rationnel peut-il croire que l’on va lutter contre la « corruption » en portant à la présidence quelqu’un de bien plus corrompu que la personne qui précédait.

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