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César Vallejo, des Andes à l'Europe en poésie

04/02/2016

(Sources : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/vallejo/vallejo.html et wikipédia et les oeuvres de l'auteur.)

 

César Vallejo est un poète péruvien d’avant-garde, une sorte de Vladimir Maïakovski andin, grand innovateur du langage littéraire, et pourfendeur des lâchetés humaines.

 

Il est né le 16 mars 1892 au Pérou à Santiago de Chuco (centre nord du Pérou), village minier situé à 3.500 mètres d'altitude. Il émigra en Europe en 1823 et se lia fortement à l'Espagne et la France. Il vécu à Paris et repose au cimetière Montparnasse.

 

Il vécu dans la misère malgré qu'il soit considéré comme l'un des plus grands poètes de langue espagnole et l'un des plus novateurs. Le tout par une œuvre et une vie très brève. Vallejo est le poète péruvien le plus célèbre et l'une des figures les plus importantes de la poésie hispano-américaine du XXe siècle.

Paris, Octobre 1936

De tout cela, je suis le seul qui pars.
Je m'en vais, de ce banc, de mon pantalon,
de mon grand cas, de mes actions,
de mon numéro fendu de part en part,
De tout cela, je suis le seul qui pars.

Depuis les Champs Élysées ou l'étrange
ruelle de la Lune fait un tour,
ma mort s'en va, part mon berceau,
et, entourée de gens, seul, détachée de tout,
ma ressemblance humaine fait un tour
et disperse ses ombres, une par une.

Et je m'éloigne de tout, puisque tout
reste là pour créer mon alibi:
ma chaussure, son œillet, ainsi que sa boue
et même le pli du coude
de ma propre chemise boutonnée.

 

Paris, Octubre 1936

 

De todo esto yo soy el único que parte.

De este banco me voy, de mis calzones,

de mi gran situación, de mis acciones,

de mi número hendido parte a parte,

de todo esto yo soy el único que parte.

 

De los Campos Elíseos al dar vuelta

la extraña callejuela de la Luna,

mi defunción se va, parte de mi cuna,

y, rodeada de gente, sola, suelta,

mi semejanza humana dase vuelta

y despacha sus sombras una a una.

 

Y me alejo de todo, porque todo

se queda para hacer la coartada:

mi zapato, su ojal, también su lodo

y hasta el doblez del codo

de mi propia camisa abotonada.

Vallejo Eternel, Requiem Andino plurilingüe

 

18min - Espagnol et autres langues

Cmétrage de Europa Latina TV

 

Jorge Semprun parlait de son ami César Vallejo comme « le plus grand poète latino-américain du XXéme siècle ». Il en faisait son frère de sang, un « rouge espagnol », comme lui.


Il était ce poète avec « une âme avide d’infini, assoiffé de vérité ». Ce qui le poussait aussi bien vers une foi profonde dans la religion que dans le communisme, dont il ne voyait pas les dérives, tout ancré à sa conviction.


Mais il était surtout un poète de l’exil.
Et il semblait avoir épousé l’Espagne et sa cause dans la guerre civile, en deuxième noce de feu.
Il avait mal au monde et à ses injustices.
« Je n’ai pas mal en tant que César Vallejo. Aujourd’hui je n’ai pas mal en tant qu’artiste, qu’homme ou simple être vivant. Je n’ai pas mal en tant que catholique, athée ou mahométan. Aujourd’hui j’ai simplement mal…
Si je ne m’appelais pas César Vallejo, j’aurais tout aussi mal…Aujourd’hui ma souffrance vient d plus bas…Ma douleur se suffit à elle-même. Aujourd’hui ma souffrance vient de plus haut.
Aujourd’hui j’ai seulement mal… »


Il avait haussé la voix en poésie afin d’offrir sa solidarité aux exclus, à l’Espagne martyrisée, « notre mère l’Espagne », à tous les enfants du monde en fait.
Il voulait faire naître le printemps rouge pour sauver tous les lendemain, pour les hommes, malgré les hommes. La poésie devient un couteau contre l’oppression.
« Comment parler du non-moi sans hurler ? » se demandait-il, quand face à toutes les misères de la vie quotidienne, on ose parler de poésie et d’art, quand tous les malheurs s’empilent et que la beauté, les métaphores, ne signifient plus rien contre la misère des jours.
Aussi, parfois le pessimisme le surprend au cœur de ses combats. 
Un critique a magnifiquement parlé de Vallejo :
"Pour entrer dans Vallejo, on peut aller voir sa tombe au cimetière du Montparnasse, douzième division. Il y a un bac de roses fanées, un tout petit angelot de plâtre, plusieurs cartes postales et de visites latino-américaines récentes, avec ou sans tickets de métro, abîmées par la pluie. On lit en espagnol des mots comme «éclairs de tendresse», toute l'admiration des voyageurs pour celui qui écrivait : «S'il pleuvait cette nuit, je me retirerais à mille ans d'ici.» Il pleut, mais il est là...
Une main a déposé sur la stèle, sous un gros caillou, ce mot détrempé : «Pour aimer Vallejo, il faut le lire.» Il fallait donc le traduire. …Toute traduction bute, sur le rythme, les sonorités, les néologismes, les tendres violences intérieures faites à l'espagnol. Traduire Vallejo, c'est comme traduire Rimbaud : chaque poème pourrait faire l'objet de versions toujours refaites, toujours insatisfaisantes, jusqu'au moment où l'on rêverait la dernière, l'idéale, celle qui rend justice au cœur de la langue, puis on mourrait avant de se réveiller pour l'écrire."
(Philippe Lançon - Libération du 14 mai 2009).

 

César Vallejo est l’homme de sa terre péruvienne, mais surtout l’homme universel de l’exil. L’homme de la parole offerte et redonnée aux autres.
Il a très peu publié de son vivant, deux recueils seulement de poèmes - Les hérauts noirs (1919) et Trilce (1922) - dans son pays natal. Et par la volonté de sa femme Georgette, des textes rédigés pendant l'exil européen et qui paraîtront à titre posthume: "Poèmes en prose et Poèmes humains", auxquels s'ajoute "Espagne, éloigne de moi ce calice", la suite qu'il avait composée dans les derniers mois de sa vie, après son séjour aux côtés des républicains espagnols. C’est donc l’homme de quatre livres seulement. Mais il crée tout un monde dans ce petit espace.
Homme précaire, souvent malade, toujours pauvre, il a été admiré et aidé par quelques amis : Pablo Neruda, Octavio Paz, Picasso, Aragon, Jorge Semprun, Federico García Lorca, Rafael Alberti, Juan Gris, Tzara, Desnos , Reverdy, Breton…

 

Lui qui voulait « épier son ombre hors de son ombre » aura contemplé le monde et voulu le changer. Fusionnel entre le Christ et Marx, il aura réalisé une alchimie de l’incandescence et de la révolte. De son monde andin, il s’est élevé à une portée universelle.

Et si après tant et tant de mots ...

 

Et si après tant de mots,
ne survivra pas le mot!
Si, après les ailes des oiseaux,
Ne survit pas l'oiseau arrêté!
Il vaudrait mieux, en effet,
vouloir manger de tout et laisser faire!

 

Être né pour vivre sa mort!
Sortir du ciel vers la terre
pour sa propre catastrophe
et épier son ombre hors de son ombre!
Il vaudrait mieux, franchement,
vouloir manger de tout et ne plus s'inquiéter ...!

 

Et si, après tant d'histoire, succomber,
non plus seulement de l'éternité,
mais de ces choses simples, comme rester
à la maison ou vouloir méditer!
Et si ensuite nous avons constaté,
d'un coup, que nous vivons,
à en juger par la hauteur des étoiles,
par le peigne et les taches de tissu!
Il vaudrait mieux, en effet,
vouloir manger de tout, bien sûr!

 

On dira que nous sommes
Dans un œil très désolé
et aussi dans l'autre, très désolé
et dans les deux, quand ils regardent, très désolés ...
Alors ... Bien sûr! ... Alors ... Pas un mot!

 

¡Y si después de tántas palabras,

 

¡Y si después de tántas palabras,

no sobrevive la palabra!

¡Si después de las alas de los pájaros,

no sobrevive el pájaro parado!

¡Más valdría, en verdad,

que se lo coman todo y acabemos!

 

¡Haber nacido para vivir de nuestra muerte!

¡Levantarse del cielo hacia la tierra

por sus propios desastres

y espiar el momento de apagar con su sombra su tiniebla!

¡Más valdría, francamente,

que se lo coman todo y qué más da!...

 

¡Y si después de tánta historia, sucumbimos,

no ya de eternidad,

sino de esas cosas sencillas, como estar

en la casa o ponerse a cavilar!

¡Y si luego encontramos,

de buenas a primeras, que vivimos,

a juzgar por la altura de los astros,

por el peine y las manchas del pañuelo!

¡Más valdría, en verdad,

que se lo coman todo, desde luego!

 

Se dirá que tenemos

en uno de los ojos mucha pena

y también en el otro, mucha pena

y en los dos, cuando miran, mucha pena...

Entonces... ¡Claro!... Entonces... ¡ni palabra!

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